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Quelles stratégies possibles contre le Covid-19 ?

La gestion de l’épidémie Covid-19 est au départ une affaire mathématique

De ses résultats découlent les différentes stratégies à la portée des états en fonction de leur population et de leur équipement hospitalier

jeudi 26 mars 2020, par Olivier Broun

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La politique de gestion publique de l’épidémie tient à la compréhension d’un nombre réduit de facteurs connus et de leur suivi dans le temps. L’évolution possible de la science (traitements, vaccins) et du virus lui-même ne doivent pas être pris en compte pour la prise de décision de restriction des activités et mouvements dans le pays. Ces facteurs connus sont : le nombre de lits de réanimation par habitant, le taux de contamination à l’instant de la prise de décision et son évolution calculée.

Le confinement n’est qu’un instrument de ralentissement d’une diffusion inéluctable qui doit donc être remis en cause à chaque moment dans son extension en fonction du niveau de la diffusion, sachant que cet instrument a par ailleurs pour effet de paralyser l’économie.

La Suisse a fait évoluer récemment sa réglementation de confinement, laissant cependant toujours une liberté de circulation qui n’existe plus dans d’autres pays. La raison est-elle calculée ou politique ?

Le confinement ne peut pas être éternel, d’autant que son effet sur l’économie est calamiteux. La fin (progressive) du confinement est une obligation. Le contrôle de la vitesse de diffusion, et non l’élimination, de la propagation du virus est la clef de la gestion de l’épidémie, une responsabilité morale lourde.

 Quelques faits incontournables :

  • il n’y aura pas de nouveau traitement antiviral efficace avant plusieurs mois ou années, sauf heureux hasard avec l’utilisation de médicaments existants ;
  • il n’y aura pas de vaccin disponible avant la mi-2021 au mieux ;
  • le nombre de morts à attendre de l’épidémie est de l’ordre de 0,4% (4 pour mille)i de la population, ce qui veut dire entre 270’000 décès en France, 255’000 en Grande-Bretagne, 35’000 en Suisse – sauf à ce que des avancées thérapeutiques voient le jour ;
  • ce chiffre peut être plus important si la saturation des services d’urgence à certains moments empêchait de sauver ceux qui, en situation d’aggravation, ne peuvent pas accéder aux soins d’urgence alors qu’ils auraient pu être sauvés ;
  • il peut être par contre minoré par l’apparition de thérapie réduisant la gravité chez certains malades ;
  • pour comparaison, la grippe a un taux de mortalité qui varie entre 0,01% et 0,02 % de la population. Celle-ci est réduite par les campagnes de vaccination. A noter qu’alors que 75% des hospitalisations dues à la grippe sont des malades de plus de 75 ans, la moitié des hospitalisés du au Covid-19 avaient moins de 60 ans, même si la mortalité continue à toucher les plus de 65 ans principalement.

La connaissance acquise dans les pays asiatiques apporte les données de base permettant d’effectuer une simulation des différentes stratégies applicables par les pays contaminés.

 Quelles sont les données de base ?

  • une personne contaminée le reste en moyenne 20 jours ;
  • en milieu social clos ouvert européen (moyenne entre urbain et non-urbain, population stable ou mobile), le virus se répand à une vitesse caractérisée par une multiplication des cas par 2 tous les 3 jours à partir du moment où le nombre de cas est notable (plus de 1 par 100’000 habitant) ;
  • il faut 5 jours en moyenne au virus pour se révéler chez la personne contaminée – signalement au médecin, à condition que le patient présente des symptômes significatifs, ce qui n’est pas le cas pour 25% à 50% des personnes infectées qui présentent des symptômes mineurs. 1% de la population infectée serait asymptomatique ;
  • 5% à 15% des personnes positives nécessitent une hospitalisation d’urgence et environ 10% d’entre elles ont besoin de soins intensifs ;
  • la durée moyenne de l’hospitalisation d’un malade grave est de 20 jours ;
  • le taux de mortalité du virus se situe autour de 0,7% de la population testée [1], ce chiffre dépendant naturellement de la capacité à traiter les cas graves.
    S’il continue à y avoir des polémiques sur le taux de contamination, c’est notamment lié au fait que les publications présentent le taux de contaminés au sein de la population testée. Cette population est en effet restreinte et dépend en particulier de la politique de test de chaque administration. Dans un pays qui teste massivement, comme l’Allemagne, le taux de létalité est d’environ 0,3% (0,7% au départ sur 5’000 contaminés). Dans un pays qui teste peu, comme l’Italie, le taux de létalité est de 8% ;
  • on considère que l’épidémie en théorie continuera à se répandre tant que 60% de la population n’aura pas été contaminée et donc immunisée.

De fait, à moins qu’un traitement ou une vaccination ne survienne ou que le virus ne mute, la mortalité de la population est déterminée à l’avance : Mortalité = Population x 60% x 0,7%. Ce chiffre ne peut être affecté (à la hausse comme à la baisse) que par la qualité des soin en phase hospitalière.

Les mesures d’isolement prises ne combattront pas mais retarderont la fin de l’épidémie ou de la dernière vague épidémique. Par contre, elles peuvent permettre, et c’est essentiel, d’adapter les besoins d’hospitalisation au capacités du système hospitalier.

Ces données permettent en théorie à tout pays (ou territoire) de déterminer le taux de croissance de la maladie dans sa population hors processus de confinement et de déterminer en particulier le besoin cumulé de lits jour après jour. En effet, le nombre de malades hospitalisés en réanimation chaque jour donné est la somme : Malades en réa. = Malades en réa. la veille + nouveaux entrants – sortants (guéris ou décédés), en ayant à l’esprit que tout entrant en réa. va séjourner en moyenne 20 jours. D’où l’arrivée extrêmement rapide de la saturation des services.

Chaque pays (ou territoire) a une capacité d’accueil hospitalière disponible déterminée.

Ce sont donc les mesures de confinement et de prévention qui peuvent éviter la saturation des services.

La politique à adopter dépend donc de la capacité hospitalière de chaque pays. Les choix sont déterminés par :

  1. le souhait de sortir au plus vite de l’épidémie pour minimiser son impact économique – ceci se passera lorsque 60% de la population aura été immunisée ;
  2. la capacité de prise en charge en réanimation, déterminée par les facteurs ci-dessus – une progression trop rapide laisse une partie de la population gravement atteinte sans les soins nécessaires ;
  3. l’espérance de l’affaiblissement du virus ou de l’émergence d’une thérapie ou d’un vaccin, sachant qu’un vaccin aura un effet sur la mortalité (puisque le nombre de personnes immunisées s’élèvera très rapidement) tandis qu’une thérapie ne pourra que faire baisser la létalité, dans le meilleur des cas.

Le choix initial de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis a été de ne pas créer de confinement pour en finir plus rapidement avec l’épidémie en espérant atteindre l’« immunité de groupe ». Il en résulte un engorgement rapide des services de réanimation. Ce choix, par ailleurs, a un effet négatif marqué sur les populations les plus vulnérables – sans parler de son effet sur la popularité des élus. La Grande-Bretagne a par la suite modifié ce choix et décidé de confiner à domicile la population à risque. Cette approche, difficile à réaliser et contrôler dans la pratique est en théorie une forme optimale de la combinaison confinement/survie économique.

Le choix de l’Italie, et plus récemment de la France et de l’Espagne, doit permettre d’aboutir à un ralentissement de la croissance des besoins de réanimation. Cette politique devrait mathématiquement mettre de l’ordre de 14 jours pour produire son effet, le temps que les contaminations les plus récentes atteignent le stade de l’hospitalisation.

On peut envisager un assouplissement régulé du confinement par la suite, une fois l’accélération maîtrisée, mais ceci nécessite un suivi très précis des foyers existants, autrement dit une politique et élargie de tests et de suivi de la population, ce qui a été le cas en Corée et en Chine.

S’il est confirmé que l’effet de l’action combinée Hydroxychloroquine/antibiotiques est de réduire rapidement la charge virale des contaminés, et que cela s’accompagne d’une diminution des symptômes, cela permettra de réduire les besoins en hospitalisation et de maintenir les personnes contaminées à domicile. D’autres produits sont à l’essai (antiviraux ou autre).

Pour information, il y a :

  • en France : 5’000 lits-réa dans le public et 7’000 lits-réa dans le privé pour une population de 64 millions ;
  • en Allemagne : 25’000 lits-réa dans le public pour une population de 83 millions.

 Les conséquences économiques :

La mise en place d’un confinement dur en Chine, en interrompant plusieurs semaines la production nécessaire au monde entier de très nombreux produits essentiels, a créé une panique boursière par anticipation des conséquences pour les groupes industriels internationaux de la rupture de la chaîne d’approvisionnement. Cette panique a été le catalyseur de l’éclatement de la bulle financière mondiale. L’effet combiné de cet éclatement et des confinements dans tous les pays va être une fatale et sévère contraction économique importante.

On parle alors de récession, un terme officiel, si cette décroissance dure plus de deux trimestres. La contraction de l’activité s’accompagne de mises à pied et de faillites. L’effet le plus redouté par les autorités financières est l’effet financier domino pouvant entraîner la paralysie du système bancaire mondial. Il s’agit d’une situation qui a été crainte au moment de la crise de défauts en chaîne de crédits hypothécaires aux Etats-Unis qui entraîna le défaut et l’effondrement de nombreuses institutions faillite, l’évènement le plus connu étant la faillite puis la liquidation de la banque Lehman Brothers aux Etats-Unis en 2007.

Entre 2007 et 2009, la décroissance aux Etats-Unis (entre le pic et le creux) avait été de plus de 5%. A titre de comparaison, la décroissance entre 1929 et 1933 (grande Dépression) avait été de près de 27% suivi d’une récession de 18% entre 1937 et 1938.

Les effets économique du confinement doivent être associés à ceux de la crise de la chaîne de livraison de la Chine et plus largement à la crise financière qui débute.

Conséquences certaines :

  • nombreuse faillites ;
  • augmentation du chômage ;
  • fermeture partielle des frontières au commerce extérieur.

Conséquences possibles :

  • faillite de banques ;
  • disparition de dépôts bancaires ;
  • saisie de l’or physique ;
  • contrôle des changes.

 Les intérêts corporatistes :

Ajouté à l’impréparation politique dans la plupart des pays, commencent à apparaître des conflits entourant le choix des médicaments accompagnant le traitement des malades. Le mélange des excès de la communication belliciste sur le plan international, ou politique concernant les choix de confinement ou de thérapie, des combats de chapelle des hiérarques médicaux, et de la guerre économique que vit l’industrie pharmaceutique est atterrant au regard de la crise humanitaire.

Y aura-t-il des règlements de compte au sortir de la crise ?


[1Pour les besoins de la rédaction, une hypothèse moyenne de 0,7% de létalité est retenue dans ce texte, sachant que celle-ci n’est pas encore connue précisément et qu’on estime qu’elle se situe entre 0,3% et 1%. De la même manière, on considère que la population théorique contaminée à la fin de tous les épisodes la pandémie devrait être de 60%. Le chiffre de 0,4% est donc l’arrondi de 0,7% x 60%

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